MELETIA, MELLECE, MELECIA,

Quelle est l'origine du nom de la commune de MELESSE ?

 

 

 

            Beaucoup de melessiens se questionnent à juste titre sur l'origine du nom de leur commune, mais, y a-t-il une réponse à ce jour ?

 

Dès sa création l'association « Melesse à Travers les Ages » s'est intéressée à l'étymologie du nom de Melesse.  Dans les années 1980 l'idée répandue était celle d'un supposé légionnaire romain « Melicius » dont le nom aurait évolué en « Melesse ». Sans preuves pour l'accréditer, la thèse était à prendre « avec des pincettes ».

 

            Un récent article paru dans le « Nous, Vous, Ille » n° 63 du Conseil Général dans la rubrique « l'origine des noms des communes d'Ille et Vilaine » semble remettre en cause la proposition que l'association avait publiée en 1999.

 

 

Extrait du bulletin municipal - mai 1999.

 

 

... l'étymologie ou origine du nom de Melesse n'est pas définie à ce jour, mais l'hypothèse la plus crédible est celle d'une « milites » ou milice gallo-romaine composée de soldats paysans, chargée d'assurer la défense du territoire à la fin de l'empire romain.  Un « camp » militaire aurait existé à proximité de l'axe gallo-romain dit de la duchesse Anne qui traverse la commune dans sa partie orientale pour rejoindre Avranches.

De nombreux gisements archéologiques ont fourni des indices convaincants sur l'époque gallo-romaine : fermes avec enclos et parcellaire, tuiles, tessons de céramique, fragments d'amphores, grande villa résidentielle avec galerie de façade et entrée monumentale...

 

 

Extrait de « Nous, Vous, Ille » Oct.  Nov.  Déc 2003 MELESSE.

 

            MELESSE, FORMES ECRITES ANCIENNES :

 

Meletia en 1086, Mellece en 1185, Meleceia en 1213.

 

            ÉTYMOLOGIE :

 

            Origine gauloise : Melesse vient d'un mot gaulois dont on connaît deux formes, Melatia et Metice, et qui signifie mélèze (le mot français en dérive directement)

 

 

 

            A NOTER: les arbres dont le nom de Melesse a gardé le souvenir ne témoignaient pas d'un environnement forestier car la prospection archéologique a révélé dans cette zone une occupation humaine très dense dans l'antiquité.  Il devait donc s'agir d'arbres plantés pour la décoration.  Il en va de même, pour des raisons identiques, du lieu-dit Melesse à l'est de Combourg.

            Ces deux propositions paraissent bien éloignées l'une de l'autre, ce qui nous a conduit, dans un premier temps, à contacter M. Deceneux (auteur de l'article du « Nous, Vous, Ille ») qui nous a fourni ses sources, et dans un deuxième temps, à consulter un linguiste et un archéologue afin de s'entourer de chercheurs ayant compétence dans ces domaines spécialisés.

 

Les deux hypothèses

 

L'hypothèse historique et archéologique

 

En 1987, le professeur Chédeville, historien éminent,émet l'hypothèse suivante :

 

Les communes de La Milesse.  près du Mans, de Melesse, près de Rennes et Milizac, près de Brest, découleraient d'un toponyme lié à leur fonction guerrière (les milites*) et non d'une origine ethnique (celle d'un homme). Son étude voulait conforter l'identité Brest-Osismis en montrant que Brest était le point d'attache des Mauri Osismiaci.

 

* cf extrait du BM de Melesse - Mai 1999

 

L'hypothèse linguistique

 

M. Deceneux se réfère au « Dictionnaire de la langue gauloise » de Xavier Delamarre paru en 2001 avec une édition complétée en 2003. Le nom de Melesse viendrait d'un nom d'arbre le mélèze. Selon M. Delamarre, linguiste, « le nom de méléze remonte à une forme melatia ou melice qu'on suppose empruntée du gaulois ».

 

 

               Les formes écrites anciennes du nom de Melesse datent du Moyen Age

Extrait du cartulaire Sancti Melanii

 

 

1086 :  Meletia

 

1185 : Mellece date à laquelle le pape Luce III confirme les moines de Saint-Melaine de Rennes dans la possession de l'église de Melesse « Ecclesiam Mellece ».

 

1238 : Melecia

 

 

 

QUE NOUS APPRENNENT OU NE NOUS APPRENNENT PAS

L'HISTOIRE ET L'ARCHEOLOGIE ?

 

 

            Dans notre région les « milites », sièges de cantonnements militaires, se sont constituées au IVème  siècle à la fin de l'Empire (romain) pour assurer sa défense.

Melesse est située sur la voie romaine Rennes - Avranches ou plus exactement sur une voie parallèle appelée route de « la Chèvre » ou « de la duchesse Anne ». Pour être crédible l'hypothèse du professeur Chedeville doit être étayée par des arguments archéologiques.  Si les vestiges gallo-romains ne manquent pas sur notre commune, les datations du mobilier (tuiles, céramique commune et sigillée, clous de petite métallurgie ... ) ne dépassent pas le 2éme siècle. Faute de vestiges du 4 ème siècle ou d'existence prouvée d'un « camp » militaire de même époque, l'archéologie n'apporte pas de preuves à la thèse du professeur Chédeville.

 

            Dans son courrier, M. Deceneux évoque les travaux de M. Tanguy, chercheur au CNRS, sur l'étymologie de Milizac près de Brest.  Ce dernier exclut une origine latine d'une « militia » d'après les règles de l'évolution des mots, ce que J.Y Urien, linguiste que nous avons consulté, confirme.  Pour M. Deceneux « la totalité de l'échafaudage (référence à l'hypothèse de M. Chédeville) s'écroule ».

 

Remarque :

 

Si l'étymologie de la Milesse, de Melesse et de Milizac s'avère différente, en l'état actuel de la recherche, rien ne permet d'écarter la possibilité d'une « milites » pour Melesse, donc d'une origine Gallo-romaine.

 

 

QUE NOUS APPREND OU NE NOUS APPREND PAS

LA LINGUISTIQUE?

 

 

            Selon une régularité établie entre le latin et le français : Le suffixe latin -itia évolue en esse. Exemples :

 

            mollitia donne mollesse

            Laetitia donne liesse

 

Meletia peut-il avoir évolué en « esse » ou peut-il venir de Melatia et Melice qui signifierait mélèze ?

 

            Dans son courrier M. Deceneux fournit un exemple, celui de Meilly Sur Rouvre en Côte d'or dont la forme antique Meletum découlerait de Melatia qui signifierait mélèze.

 

            M. Deceneux établit ensuite un raccourci en disant que Melesse a la même racine que Meletum dans son écriture la plus ancienne.  Or est-il possible d'appliquer ce raisonnement à Melesse ? « La comparaison Meletum (pour Meilly) et Meletia (attestée pour Melesse) est un argument assez fort mais il n'est que phonétique et s'applique à des régions bien éloignées. Cela ne garantit pas que le Meletia local soit l'usage toponymique d'un nom commun gaulois melatia plutôt que d'un nom commun latin militia ». (J.Y. Urien)

 

En résumé :       la linguistique n'apporte pas une réponse sûre à notre interrogation.

 

 

DE QUELS AUTRES ELEMENTS DISPOSONS-NOUS ?

 

Que le mélèze n'est pas ou plutôt n'était pas un arbre commun dans notre région.

 

 

 « Vu des tertres ou hauteurs de St Germain, Melesse donne en été, l'aspect et l'illusion d'une petite forêt.  A peine, en effet, distingue-t-on de ces points culminants deux ou trois villages aux trois quarts ensevelis dans un fourré d'ormes, de chênes et de châtaigniers luxuriants de  verdure ».

 

Cf « Dix années de Révolution dans le pays de melesse »

 

Au 17ème siècle nous savons que des chênes ont été abattus et transportés par les melessiens pour la construction de la « forêt » c'est-à-dire la charpente du Parlement de Rennes.

 

L'archéologie vient appuyer et élargir le champ d'étude.  A. Provost, archéologue, nous a donné pour référence l'ouvrage « les campagnes en Gaule romaine » ouvrage qui est une somme reconnue.  Un chapitre étudie les forêts d'après la palynologie (étude des pollens) et les auteurs anciens.

 

Nulle part en Gaule romaine il n'a été trouvé de pollen et de charbon de bois de mélèze sur les sites ayant fait l'objet de fouilles archéologiques.

 

Cela ne veut pas pour autant dire qu'il n'y avait pas de mélèzes en Gaule

mais vraisemblablement en étage montagneux.

 

            Et dans le bassin de Rennes ?

 

            Une seule étude palynologique a été réalisée lors de la fouille de la villa de Chatillon-sur-Seiche sous la conduite d'A. Provost.  Les résultats sont clairs : parmi les pollens il y avait celui du pin mais pas du mélèze. Les melessiens étaient-ils soucieux d'originalité au point de planter des mélèzes pour la décoration comme le souligne M. Deceneux ?

 

            Nous pensons qu'il est impossible de le savoir et revenons au fond de la question pour conclure.

 

            Nous avons souhaité être le plus accessible à tous pour un sujet complexe et chacun a pu comprendre que, en l'état actuel des connaissances, ni l'Histoire, ni l'archéologie, ni la linguistique n'apportent à ce jour de réponse satisfaisante sur l'origine du nom de notre commune.

 

            Il aurait été souhaitable que dans l'article du «Nous, Vous, Ille », M. Deceneux reprenne la réserve de ses sources.  En effet, dans son dictionnaire, M. Delamarre dit que le nom de « mélèze » remonte à une forme « Melatia » qu'on suppose empruntée au gaulois puis il poursuit en disant qu'en toponymie le nom de lieu Meletum a peut-être évolué en Meilly sur Rouvre, donc le doute persiste.

            Retenons que la toponymie est une discipline bien conjecturale qui nécessite discernement et prudence.

                                                                        M. Le Guen

Association

Melesse à travers les âges

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Sources :

 

- « Bretagne et pays celtiques ». Chédeville.  PUR.  Rennes. 1992 (La Milesse, Melesse, Milizac, contribution à la localisation d'Osismis).

 

- Dictionnaire de la langue gauloise.  Xavier Delamarre. 2001.  Ed Errance.

- Le Robert : Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d'A. Rey (1998)

-La langue gauloise : P.V. Lambert.  Ed.  Errance. 1995

- Courrier de M. Deceneux

- Personnes consultées :     

- J.Y. Urien, professeur à Rennes 2

- A. Provost, archéologue.

 

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