M.
GUYET DE LA VILLENEUVE ET M. BIGOT DU CHENAY
La Municipalité envisage de donner aux deux rues principales du lotissement des Tilleuls, le nom de personnalités melessiennes de la première moitié du XIX ème siècle : les deux hommes ont en commun d'avoir été maire de la commune:
- M. GUYET DE LA VILLENEUVE, Juge de la Paix, Maire de 1805 à 1815, puis de 1848 à 1856
- M. BIGOT-DUCHÊNAY, Médecin et Agronome, Maire de 1830 à 1848.
Par ailleurs; les 4
impasses débouchant dans ces rues seront baptisées du nom de plantations
largement utilisées dans la vie rurale de cette époque :
- L'Oseraie, pour l'osier
- La Chènevière, pour le chanvre
- La Roselière, pour le roseau
- La Joncheraie, pour le jonc.
Mais que savons nous de la vie de ces deux personnalités ?
Les mandats, dans leur contexte historique national:
Ces
maires ont successivement administré la commune aux dates suivantes
Louis Guyet de la Villeneuve 14 vendémiaire an 13 (12 octobre 1805 au 26 mai 1815). Nommé 1er juillet 1815 au 17 décembre 1815. Nommé
Ambroise Bigot du Chênay 22 août 1830 au 28 Janvier 1835. Nommé
28 janvier 1835 au 7 septembre 1848. Renommé.
Louis
Guyet de la Villeneuve 7
septembre 1848 au 7 septembre 1856. Elu
Au travers des
nominations des maires et de leurs serments inscrits dans les registres de
délibérations Municipales, nous lisons
les événements qui ont ponctué l'histoire nationale. Maire sous Napoléon 1er,
Louis Guyet de la Villeneuve, dont la famille est originaire de Rennes, prête
serment devant le préfet : il jure
d'obéir aux Constitutions de l’Empire et d'être fidèle à l'empereur.
En 1830, l'époque de la Restauration prend fin lors des trois journées de juillet connues sous le nom des Trois Glorieuses. Le roi Charles X s'embarque à Cherbourg pour l'exil et le duc d'Orléans est reconnu roi le 9 août, avec le titre de Louis Philippe 1er, roi des français. C'est dans ce contexte qu’Ambroise Bigot du Chênay est nommé maire et il administre la commune pendant toute la durée du gouvernement de Louis Philippe jusqu'en 1848. Selon la loi du 31 août 1830, il prête le serment suivant: «je jure fidélité au Roi des français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du Royaume ». A cette époque, les membres du conseil sont désignés par l'assemblée des électeurs (les propriétaires les plus riches) des trois secteurs de la commune. Ils sont renouvelés par moitié tous les cinq ans, en sachant qu'un conseiller sortant peut être réélu. Le préfet nomme le maire qui est choisi parmi les conseillers.
En février 1848, la monarchie de Juillet cède sous l'action de l'opposition libérale qui réclame l'élargissement du droit de suffrages. Le 24 février Paris se couvre de barricades. Louis Philippe abdique en faveur de son petit-fils le comte de Paris, mais les insurgés proclament la République. Pour la première fois, le maire de la commune de Melesse est élu par les membres du conseil municipal le 6 septembre 1848. Au 1er tour, Louis Guyet de la Villeneuve obtient la majorité absolue avec 15 suffrages ; il est élu. Cette élection est sans doute un camouflet pour l'ancien maire Ambroise Bigot du Chênay qui devait exercer jusqu'en 1852. Ce dernier demeure membre du conseil municipal, mais il ne se présentera pas aux réunions pendant 27 séances consécutives, il sera alors considéré comme démissionnaire. En cette année de proclamation de la 2de République, l'assemblée nationale off:re un drapeau à chaque commune. Le conseil de Melesse l'accepte avec reconnaissance et il décide d'acheter des écharpes municipales pour le maire et les deux adjoints. Le serment du maire s'adapte au changement politique. M. Guyet de la Villeneuve jure obéissance à la Constitution et fidélité au Président.
Quatrième Maire de la commune, M. Guyet était conseiller municipal avant sa nomination survenue après le décès de M. Philouze. Il est remplacé au conseil par M. Pierre de Beaucé, marchand de vin à Rennes. Ce dernier a acheté le château du même nom, confisqué aux seigneurs de Rosnivynen et vendu comme bien national pendant la Révolution.
En 1815 M. Guyet nommé juge du canton de Saint Aubin d'Aubigné cesse ses activités de1er magistrat de la commune, toutefois, il demeure conseiller municipal.
Sous son 1er mandat, M. Guyet a pour préoccupation urgente, la mise en place d'un réseau de routes pour désenclaver la commune afin de faciliter le transport des denrées telles que le beurre, la toile ou le coutil à Saint Germain Sur Ille ou à Rennes. A partir de 1810 Melesse a deux foires par an. L'inventaire des huit grands chemins de la commune montre un grand état de dégradation. Le conseil décide de réparer en priorité le chemin vicinal numéro un qui conduit du bourg à la route de Saint Malo en passant par Millé. Faute de moyens financiers, les ouvriers emploient des solives de bois de châtaignier à la place de pierres, puis ils les recouvrent de « fassines » et enfin de terre battue. Le souci de l'amélioration des routes sera constant tout au long du 19 ème siècle.
Par ailleurs, M. Guyet établit un poste de garde champêtre et organise la garde nationale dont Ambroise Bigot du Chênay, futur maire, fut chef de bataillon pendant de nombreuses années. En 1810 la municipalité fait démolir les « boutiques » appelées prison, situées au devant du cimetière du côté du porche. Elles sont remplacées par un corps de garde installé dans une halle.
En 1812 la disette aggrave la misère d'une partie de la population.
A l'époque où M. Bigot du Chênay exerce ses fonctions, Melesse compte 103 villages et une population de 2549 habitants. Cette commune populeuse n'est pas épargnée par la pauvreté endémique puisque le maire distribue du grain et des pommes de terre aux familles peu aisées à son arrivée au pouvoir.
Les affaires scolaires
Depuis la nomination du 1er instituteur Guillaume Bougerie, en 1799, l'instruction primaire des enfants de la commune est une préoccupation de la municipalité. A partir de 1825, Melesse a une école de garçons dirigée par un frère de l'Institution Chrétienne que vient de fonder Jean Marie de Lamenais. Le recteur de Melesse Antoine Cotrel, avait obtenu une concession de la municipalité pour 1'utilisation d'une vieille halle communale proche du cimetière qui entoure l'église. Le fonctionnement de l'école est à la charge du recteur.
La situation se complique à partir de 1833, car une loi scolaire oblige toute commune à entretenir une école communale primaire. Les délibérations relatives à l'instruction publique se multiplient car la municipalité de M. Bigot du Chênay est soucieuse d'appliquer la loi. Mais l’œuvre est difficile car le conseil doit choisir l'instituteur selon des critères de capacité et de moralité et la municipalité doit prendre en charge de nombreux enfants dont les familles ne peuvent payer la taxe de rétribution mensuelle. Chaque année la situation est examinée ; ainsi vers 1840, 150 enfants sont en état de fréquenter l'école mais seules 42 familles peuvent payer l'instruction de leurs enfants et sur le nombre restant, 60 familles sont déclarées indigentes et incapables d'entretenir leurs enfants à l'école. Ce tableau social met en évidence l'état de pauvreté de la petite paysannerie et des ouvriers agricoles. Malgré tout la commune crée une école communale et Melesse a désormais deux écoles primaires. Cette situation ravive des divisions liées au passé révolutionnaire encore proche. On insulte les enfants de l'école congrégationiste du nom injurieux de « taupins », on se querelle et il faut séparer les enfants des écoles jusqu'à les faire passer par des portes différentes quand ils sortent de l'église.
Pendant quelques lignes, laissons cette question scolaire en suspens, nous la retrouverons lors du 2nd mandat de M. Guyet.
M. le Maire a une réputation d'agronome dans tout le canton, bien que sa profession première soit celle de médecin. Esprit curieux et homme de progrès, il met au point un modèle de système agricole largement vanté par les commissaires du comice de St Aubin d'Aubigné qui souhaitent que son système de culture soit propagé de proche en proche. M. Bigot du Chênay refuse toutes les primes par modestie.
M. le Maire est propriétaire de la Guimondière, d'une ferme au village (sous-entendu de Millé) et des Milleries. C'est sur cette dernière exploitation de 5 ha qu'il expérimente. Il cultive le trèfle, une plante excellente pour alterner les récoltes et qui est source de fertilité pour le froment qui lui succède. M. Bigot cultive aussi la pomme de terre et même de quatre espèces différentes avec une récolte de tubercules « d'une grosseur extraordinaire ». Cette culture connaît un développement à cette époque, mais nous ne devons pas oublier qu'un demi siècle plus tôt les pouvoirs publics l'encourageaient dans notre canton, mais sans grand succès. Signalons encore la culture de la betterave disette et celle de carottes fourragères pour l'alimentation du cheptel.
Le 2nd mandat de M. Guyet de la Villeneuve
En 1848 la querelle scolaire affecte la vie sociale de la collectivité, aussi le nouveau maire et le conseil municipal cherchent à tempérer la situation et à calmer l'atmosphère.
Quels sont les faits perceptibles par l'étude des registres de délibérations de la municipalité ?
Ils
permettent de dire que les enfants fréquentent majoritairement l'école des
frères de Lamenais, qu'ils y sont 3 à 4 fois plus nombreux qu'à l'école
communale. Le conseil considère comme «prioritaire le rétablissement de la
paix sociale et du bon ordre dans. la commune » et
il nomme au poste d'instituteur public et à 1'unanimité des suffrages, le 1er
octobre 1848, Mathurin Blanchard, frère de Lamenais, déjà en exercice dans la
commune. Selon le conseil, le frère
Blanchard « a la confiance presque générale des melessiens », il devra se
conformer aux instructions de l'académie et instruire gratuitement les élèves
indigents. La réponse du comité
d'instruction primaire de Rennes est prompte et impérative. Il voit dans la suppression de l'école
communale de Melesse une atteinte à la liberté de l'enseignement et après avoir
émis diverses réserves, il refuse la nomination du frère Blanchard
comme instituteur communal et il prie le conseil municipal de désigner un autre
instituteur. Le conseil de Melesse tiendra tête au comité rennais et
maintiendra son choix . Mathurin Blanchard, frère de Lamenais devient donc
instituteur communal et en 1851 Angélique Moulin, institutrice privée est
nommée institutrice communale. Tous les deux perçoivent la rétribution scolaire
des enfants indigents par le conseil municipal. A cette date la « maison d'école » est installée dans l'ancienne
mairie, rue de la poste.
Pendant des décennies encore, la question de l'enseignement demeurera un sujet sensible dans la commune.
L'état de pauvreté est latent dans les campagnes. Ainsi pour fêter l'avènement au trône impérial de Louis Napoléon en décembre 1852, le maire M. Guyet, attribue une somme aux nécessiteux afin de distribuer du pain et du cidre. La seule concession à la fête est l'illumination des façades de la mairie et de l'école.
Il y a aussi beaucoup de mendiants sur la commune et le conseil municipal s'en plaint sans pouvoir trouver de réponse à cette situation sociale.
M. Guyet de la Villeneuve, maire de Melesse demeure au bourg et homme de bien, il n'oubliera pas les plus démunis de sa commune au moment de sa mort en 1856. Par testament olographe, il demande un enterrement sans faste et préfère que cent kilos de pain soient distribués aux pauvres le jour de son enterrement et qu'une somme soit remise aux instituteurs pour l'achat de pain aux écoliers nécessiteux. Une autre somme sera réservée pour fournir du pain aux infirmes sans travail l'hiver qui suivra son décès. Enfin M. Guyet de la Villeneuve lègue aux pauvres de Melesse et leur fait don à perpétuité de sa ferme de l'Etiverie sous réserve de la création d'un bureau de bienfaisance communal qui serait légalement autorisé à accepter la donation
A ce jour, nos recherches ne nous permettent pas de dire si le testament a été exécuté... peu importe, il est le reflet de la vie rude de la petite paysannerie dont le lopin de terre ne suffit pas à faire vivre décemment une famille dans la l ère moitié du 19è siècle. Il nous apprend que le pain était l'aliment de base de la population et nous pouvons dire que l'évocation de ce mot devait être entourée de respect par ces hommes pour qui le mot abondance n'avait pas de sens.
Association d'histoire
« Melesse A Travers les Ages »
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