CE QUE NOUS APPREND LE VIEUX CADASTRE
Le cadastre ancien, dit napoléonien, a été institué par une loi de 1807, puis réalisé entre 1810 et 1850 sur l'ensemble du territoire national. A MELESSE, il fut achevé en 1828.
Ce document de nature fiscale avait (et a toujours) pour objet de déterminer les propriétés foncières dans chaque commune, de constater la nature des cultures et d'évaluer leur revenu. Il s'agissait pour les législateurs de l'époque, d'établir une base objective pour le calcul de l'impôt foncier, source jusqu'alors de nombreuses contestations et injustices, que ce soit sous l'ancien régime mais également après la Révolution.
Le cadastre comporte trois sortes de documents :
ðle plan cadastral, représentation graphique du territoire de la commune dans tous les détails de son morcellement. Ce plan est établi à partir de relevés topographiques sur le terrain ;
ð le registre des états de section, qui constitue la légende du plan cadastral et contient pour chaque section, la liste des parcelles avec leurs données propres (contenance, nature de culture ou de bâtiment, classe, revenu, nom du propriétaire ... ) ;
ð la matrice cadastrale, qui donne par propriétaire la liste de toutes ses propriétés, bâties et non bâties, dans la commune.
Par sa nature exhaustive, le premier cadastre est d'un grand intérêt historique : le plan cadastral constitue une véritable « photographie aérienne » du territoire en 1828. Avec son registre, il nous renseigne sur l'organisation de l'espace rural, les chemins, le bâti, la toponymie (c'est-à-dire le nom des lieux) en vigueur... La matrice permet quant à elle une approche sociale et économique de la propriété foncière au début du XIXème siècle.
L'association mène
actuellement (ou projette de réaliser) plusieurs études à partir du cadastre,
pour répondre aux questions suivantes :
o Retrouve -t'on à MELESSE, la trace du parcellaire gallo-romain ? Il semble bien que oui...
o Que nous apprend la toponymie sur l'occupation ancienne des lieux ?
o Comment étaient organisés les anciens manoirs de MELESSE (plus d'une vingtaine à cette époque) ?
o Quelle était la taille des propriétés rurales au XIXème siècle ? Qui possédait les fermes et métairies ? Quelle était l'influence de la bourgeoisie rennaise ?
o Après 170 ans, que reste -t'il de l'habitat rural construit traditionnellement en bois (maison à colombages) et en terre (torchis : bauge et pisé) ?
Comme vous le constatez, l'analyse du cadastre peut contribuer à apporter une réponse à de nombreuses interrogations !
Comment fut réalisé le
premier cadastre ?
Le premier plan cadastral de MELESSE a été achevé sur le terrain le 5 novembre 1827, sous l'administration de Monsieur le Comte de VENDEUVRE, Préfet d'Ille et Vilaine et de Mathurin LEDUC, Maire de MELESSE.
Ce plan est constitué de 16 feuilles à l'échelle du 1/2.500 et d'un tableau d'assemblage au 1/10 000.
Le territoire communal, vaste de près de 3 200 hectares, fut divisé en six sections cadastrales, dont les limites reprenaient les « traits » de l'ancien régime. Ces limites s'appuyaient elles-mêmes le plus souvent sur les chemins existants à l'époque :
* Section A dite de Coussay (3 feuilles)
* Section B dite de Valière (2 feuilles)
* Section C dite de Frénay (3 feuilles)
* Section D dite du Mesnil (3 feuilles)
* Section E dite du Bourg (3 feuilles)
* Section F dite de Beaucé (2 feuilles)
Deux géomètres officiels se partagèrent le travail de terrain :
- Monsieur SOUCHET du RANQUIN pour la moitié nord (Sections A, B et C)
- Monsieur BEUSCHER pour la moitié Sud (Sections D, E et F).
Les plans furent évidemment dessinés à la main, les cours d'eau étant rehaussés de lavis bleu et les bâtiments de lavis rouge. Chaque feuille mesure environ un mètre de hauteur sur soixante-dix centimètres de largeur. L'exemplaire conserve en mairie nous est parvenu en assez bon état, malgré les annotations manuscrites accumulées en 150 ans de consultations... A la demande de l'association « MELESSE à Travers les Ages », un fac-similé en couleur a été réalisé par la commune en 1997, en vue d'en maintenir la consultation par le public, tout en préservant l'original.
Le registre des états de section et la matrice cadastrale ne furent achevés que plus d'un an après les plans, fin décembre 1828. En effet, il fallut constater la nature des cultures des 6 471 parcelles identifiées sur le terrain et évaluer leur revenu pour 833 propriétaires. On peut penser que ce ne fut pas une mince affaire étant donnés l'ampleur de la tâche et les enjeux financiers !...
En fait, le 21 octobre 1828 eut lieu une réunion extraordinaire du conseil municipal et des principaux propriétaires de la commune, pour entendre les propositions de Monsieur de GESLIN, contrôleur des contributions directes, des classificateurs et de l'expert nommé par le préfet qui avaient procédé à l'expertise cadastrale de la commune :
Monsieur de GESLIN rendit compte à l'assemblée « de ce qui avait été fait pour parvenir à la classification du territoire, à l'évaluation proportionnelle du revenu imposable des
diverses natures de culture et au classement des propriétés ». Il exposa que « Messieurs les classificateurs et l'expert, après avoir parcouru avec lui le territoire, avaient arrêté ainsi qu'il suit le nombre des classes dont chaque nature de propriété leur avait paru susceptible :
u Pour les terres labourables : cinq classes
u Pour les prés : cinq classes
u Pour les jardins : deux classes
u Pour les bois de toutes natures : trois classes
u Pour les landes, pâtures et vagues : trois classes
u Pour les pièces d'eau : deux classes
u Pour les maisons : dix classes
Le contrôleur indiqua ensuite à l'assemblée, les parcelles de la commune qui avaient été choisies pour servir de référence à chaque classe de terre.
Il en alla de même pour les maisons, depuis le château de Beaucé (référence de la classe 1), le manoir des Milleries (classe 2), tous deux disparus aujourd'hui, deux belles maisons du Bourg (classes 3 et 4), des métairies et fermes (classes 5 à 7), jusqu'aux plus humbles bâtisses et granges de terre (classes 8 à 10).
Puis le contrôleur présenta le revenu moyen des parcelles choisies pour étalon de chaque classe. Pour éviter les confusions, on prit soin d'exprimer ce revenu par rapport à deux unités de surface : dans le nouveau système métrique récemment créé, mais aussi dans les unités de l'ancien régime, étant précisé qu'un arpent métrique (c'est-à-dire un hectare) valait deux journaux et cinq coudées d'ancienne mesure.
Enfin, le contrôleur fit connaître à l'assemblée « qu'immédiatement après l'achèvement du classement, il a été choisi trente propriétés ou corps de domaine, renfermant les diverses cultures de la commune dont le revenu net imposable avait été préalablement indiqué par les classificateurs, ou constaté par des baux authentiques ». Après avoir appliqué les tarifs provisoires aux parcelles constitutives de ces propriétés, on put constater que l'évaluation cadastrale du revenu était « aussi proportionnelle qu'on puisse l'espérer » aux valeurs réelles.
L'assemblée proposa alors « l'adoption du tarif provisoire, bien convaincue que les différences les plus sensibles qui existent entre les évaluations cadastrales ne peuvent être attribuées qu'à celles qui résultent des prix des baux, qui ne présentent point entre eux toute la proportionnalité désirable ».
C’est ainsi que fut fixé à MELESSE le premier tarif des contributions financières. Sur cette base, la matrice cadastrale fut achevée le 29 décembre 1828.
Ce cadastre devait servir aux Melessiens jusqu'en 1957 où il fut remplacé par un nouveau document. Il s'agit du document officiel, actuellement consultable en mairie.
En effet, après 130 ans de changements de propriétaires (héritages, ventes ... ), de modifications du parcellaire (division, destruction ou construction de bâtiments, rectifications de limites, création de voiries...), la mise à jour manuscrite des plans, du registre et de la matrice de 1828 commençait à devenir très laborieuse !
Aujourd'hui les progrès de l'informatique permettent d'envisager une troisième génération de cadastre, entièrement automatisée.