LES PRUSSIENS A MELESSE ET DANS SA REGION
Septembre 1815
Un épisode intéressant de l'histoire locale a pu être mis à jour grâce à
une liasse de lettres et de documents divers qu'une famille melessienne
a eu la gentillesse de mettre à notre
disposition. Les événements se situent au lendemain de la chute de
Napoléon.
Après la campagne
désastreuse de Russie en 1812 et celle d'Allemagne en 1813, Napoléon tenta de
lever une nouvelle armée pour défendre le territoire national. Il ne put empêcher les Alliés d'obtenir la
capitulation de Paris et abdiqua à Fontainebleau le 6 avril 1814.
Le 1er Traité de Paris
réduisit la France à ses frontières d'Ancien Régime. On ne lui imposait ni
indemnité de guerre ni occupation militaire.
Lors des Cent Jours de mars
à juin 1815, les Alliés décidèrent de faire la guerre à Napoléon. Battu par Wellington à Waterloo le 18 juin,
Napoléon dut abdiquer à nouveau.
Les Alliés continuèrent d'envahir la France. En août 1815, Wellington évaluait à 1. 135.000 hommes, le nombre de soldats cantonnés en France.
6 Septembre
C'est dans ce contexte que le maire de Melesse reçoit un avis de la Préfecture lui annonçant le passage de diverses brigades du 6ème corps de l'armée prussienne. Le 6 septembre 1815, 8500 hommes et 1400 chevaux devaient arriver à Liffré et séjourner dans 19 communes jusqu'au 9 septembre, et le 10, un nouveau contingent de 4500 hommes et 4500 chevaux était prévu.
A cette date :
- Le
comte d'ALLONVILLE est préfet d'Ille et Vilaine;
- Le chevalier de CHABRE est
sous-préfet de l'arrondissement de Rennes dont dépend Melesse.
Le courrier du sous-préfet
du 2 septembre est assorti d'un tableau qui indique que la commune de Melesse
doit recevoir les troupes alliées de passage.
A savoir:
800 h et 135 chevaux les 6,
7, 8 et 9 septembre
400 h et chevaux le 10
septembre.
L'article 3 de l'arrêté
stipule que si les détachements annoncés ne peuvent se rendre dans telle ou
telle commune, les maires auront obligation de réquisitionner les vivres et les
fourrages qui leur seront indiqués par les municipalités qui hébergent leur
contingent.
Tout un chacun peut imaginer le trouble et le désarroi, que le
passage de troupes d'occupation engendra les guerres de l'époque
révolutionnaire et impériale. D'autre
part, les événements politiques nationaux rejaillirent sur la vie politique
melessienne. Entre le mois de mai et le
mois de décembre 1815, trois maires furent
successivement nommés pour remplir les fonctions municipales.
Louis François Hyacinthe GUILLET DE LA VILLENEUVE
Mathurin Pierre LEDUC
C'est M. GUILLET DE LA
VILLENEUVE qui doit faire face à la difficile situation du mois de septembre
1815.
A la question essentielle :
les prussiens ont-ils été cantonnés à Melesse en septembre 1815, nous pouvons
répondre par la négative. Mais si
l'occupation physique n'a pas eu lieu, la commune a été lourdement
réquisitionnée en fourrages, avoine, vaches, beurre, lard... Et à deux reprises
elle a été mise en demeure, sous peine « de recevoir une garnison prussienne »,
ou pire encore, d'être « exécutée militairement » faute d'avoir fourni les
vivres. Des courriers et « exprès » du
sous-préfet ou des maires des communes voisines, à Louis GUILLET DE LA
VILLENEUVE, attestent de la dureté des événements entre le 2 et le 17
septembre.
SUIVONS LES FAITS PAS A PAS
2 septembre
Le sous-préfet DE CHABRE
annonce le cantonnement de 13000 prussiens et 5900 chevaux du 6 au 10
septembre, aux maires de 21 communes de l'arrondissement nord de Rennes, dont
Melesse.
5 septembre
Monsieur MONDEHAIR maire de
Chevaigné, prie son collègue melessien de fournir 50 rations par jour pour les
troupes cantonnées. Une ration doit se
composer autant que possible de
- deux livres de bon pain
- une livre de bonne viande
- une once de tabac
- une bouteille d'eau de vie par huit hommes
- un litre de cidre
- dix huit livres de
foin et huit livres et demi d'avoine par cheval.
Ce même jour, le maire de
Saint Aubin d'Aubigné, sollicite de la commune de Melesse, 800 L de Pain et 400
L de viande pour le 7 septembre. Il se
dit incapable de faire face au ravitaillement des 200 soldats qui vont
séjourner chez les habitants de sa commune.
8 septembre
Le sous-préfet De CHABRE
remercie le maire de Melesse de l'envoi qu'il vient de recevoir à l'instant à
Liffré. Il est 8 heures et demi du
soir.
Ce jour-là, une autre réquisition parvient du maire de
Betton M. BARBIER; il prie son collègue et ami M. GUILLET DE LA VILLENEUVE,
d'obéir aux ordres du sous-préfet vu que 780 prussiens viennent d'arriver
dans sa commune. Quelles injonctions le
sous-préfet a-t-il donné ? Il faut fournir immédiatement : 9 vaches, 8 bœufs,
10 barriques de cidre, 24 sommes (unité de mesure) d'avoine, 72 quintaux de
farine de froment et 650 l de beurre ou lard.
9 septembre
Un nouveau courrier du
sous-préfet demande la livraison de foin et de paille pour le 14 courant ;
ces fourrages doivent être acheminés à l'entrée du Mail à Rennes pour 7 heures
du matin.
10 septembre
Nouvelle alarme !
Par un courrier, le maire de Betton annonce l'arrivée de 300 autres prussiens dans sa commune ; dans cette circonstance, il sollicite un secours alimentaire auprès des melessiens soit, un tonneau d'au moins 4 barriques, un bœuf (le plus fort possible) et 50 1 de beurre.
14
septembre
Sur ordre du sous-préfet, le maire de Melesse est sommé de compléter la réquisition du 6 sous 24 h, sans quoi les prussiens occuperont Melesse. Voilà une lettre qui n'a pas dû laisser la municipalité indifférente !
15 septembre
Cette fois c'est le préfet
qui admoneste le maire de Melesse, et il lui ordonne de livrer, sur le champ,
les 192 boisseaux d'avoine dus dans les magasins du Mail à Rennes. A nouveau, il y a une menace militaire. Et ce n'est pas tout ! Les melessiens ont
cru que le lard pouvait remplacer le beurre, le préfet somme M. le maire de
respecter la réquisition.
17 septembre
C'est le dernier courrier
que nous possédons sur ces événements.
Il émane du maire de Rennes et concerne une nouvelle réquisition. Pour le lendemain 18, quatre charrettes
attelées de 3 chevaux doivent être rendues sur la place de la mairie de Rennes,
pour 4h du matin. Le maire de Rennes
ajoute que ce service est de rigueur et que celui qui ne se soumet pas sera
contraint à ses frais ou s'exposera à une occupation prussienne.
A la lecture de ces lettres
il semble bien que la commune de Melesse a eu bien des difficultés à
rassembler les vivres et fourrages réquisitionnés pour l'armée
d'occupation. A cela rien d'étonnant ;
il suffit de comptabiliser les denrées fournies par les melessiens pour mesurer
l'importance des prélèvements qui heureusement survenaient après les récoltes
estivales.
Entre les 2 et 18 septembre, Melesse a dû fournir
800 l de foin 9 bœufs 192
boisseaux d’avoine
400 l de viande 12 chevaux 72
quintaux de farine de froment
9 vaches 14 barriques de cidre 700
l de beurre
du
foin, de la paille, dont nous ne pouvons pas déterminer avec exactitude la
quantité, faute d'une bonne lisibilité d'un document.
Enfin
la valeur de 50 rations alimentaires que nous ne pouvons pas estimer, faute de
savoir combien de jours elle concerne.
Les melessiens ont-ils été
dédommagés de ces réquisitions de subsistances ?
Le maire devait inscrire les
denrées fournies sur un registre et dans les communes de réception, un
inspecteur établissait un reçu à valoir sur le paiement des contributions ou
impôts. Mais à quel prix ces marchandises ont-elles été estimées ?
La commission des
subsistances mise en place en septembre était chargée d'examiner les mémoires
des fournisseurs, des municipalités, mais également les réclamations des
particuliers.
Voilà la relation de
l'occupation prussienne que nous avons pu établir à partir des courriers en notre possession. Nous souhaitons
pouvoir la compléter lors de recherches aux archives départementales.